Le texte ci-dessous intitulé « Lovecraft et Poe » est issu d’une courte biographie rédigée par un proche du Maître de Providence, Frank Belknap Long. La traduction française, réalisée par Stéphane Bourgoin, a été publiée chez Encrage Edition en 1987. Première parution sous le titre « Howard Phillips Lovecraft: Dreamer on the Night Side » chez Arkham House en 1975.

Frank Belknap Long, H.P. Lovecraft et James F. Morton devant le Cottage Edgar Allan Poe à Fordham (11 Avril 1922)

Lovecraft et Poe

par Frank Belknap Long

Edgar Allan Poe influença probablement H.P. Lovecraft plus que n’importe quel autre écrivain en lui indiquant la direction à suivre. L’admiration de Lovecraft pour le rêveur de Baltimore était telle qu’un splendide jour d’octobre, il y a plus d’un demi siècle de cela désormais, nous nous rendîmes, en compagnie de James F. Morton, à l’autel de Fordham.

La maison de Poe est restée inchangée pendant plus d’automnes que ceux qu’il avait immortalisés dans ses vers, puisqu’il ne vit pas jaunir les feuilles plus de quarante fois dans sa vie. Le chiffre de trente-cinq serait plus exact, car quelques-unes de des années furent passées dans le Sud profond.

Nous étions également accompagnés par un jeune étudiant pas plus âgé que moi et dont j’ai oublié le nom – fait compréhensible puisque je ne l’ai rencontré qu’une seule fois, mais impardonnable puisque, la semaine suivante, il m’envoya une photographie et il n’y apparaît même pas en ombre, ce qui veut dire, bien sûr, que seuls Morton et moi-même seront immortalisés aux cotés de Lovecraft devant le cottage de Poe.

Bien que prophétique, cette photographie n’était pas plus étonnante que les paroles prononcées par Morton quelques minutes plus tard.

Debout sur la pelouse chauffée par ce soleil d’octobre, à quelques mètres de cette demeure, Howard avait murmuré :

– Le passé, le passé ! Comme tout semble ici abattre la muraille du temps. Il n’y aura jamais un autre Poe.

Puis, il sortit de sa poche un de ses premiers textes, Hypnos, et le dédia à la mémoire de Poe, laissant le vent froisser quelque peu les pages – délibérément, à mon avis – comme s’il espérait qu’elles lui seraient arrachées des mains pour venir se poser près de la sculpture du corbeau en bois, juste à l’intérieur d’une des petites fenêtres.

Ce que Morton déclara alors allait droit au but :

– Une telle déférence n’est pas du tout justifiée, surtout pour un écrivain qui sera un jour considéré comme l’égal de Poe.

Pourquoi n’aurais-je pas pu déclarer de pareils mots ?

Personne n’admirait autant le texte que Lovecraft tenait entre ses mains. Malheureusement, mon jugement critique, plein d’immaturité à cette époque, me fit croire que Morton avait provisoirement perdu l’esprit.

Après tout, Poe avait été Poe.

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